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24h avec JCVD à Disneyland Paris

Dernière mise à jour : 12 mai



Jean-Claude Van Damme dans la pub Volvo Trucks de 2013
JCVD, entre deux camions, dans la pub Volvo de 2013

En 2013, la crise des dettes souveraines finit de secouer la zone Euro et les ménages resserrent sérieusement leurs dépenses. Première destination touristique privée d’Europe, Disneyland Paris ne cartoon plus ; la fréquentation du parc s’effondre (il perdra plus d’un million de visiteurs dans l’année) et le groupe traîne une dette abyssale qui amène le principal actionnaire, l’oncle Picsou de la Walt Disney Company, à s’impliquer plus que jamais dans la conduite du cousin français.


Le service marketing & communication briefe alors Fantom, jeune agence pure player déjà reconnue pour ses solutions iconoclastes, afin de concevoir une campagne virale qui redonnera de l’attractivité au Parc ; en clair, « c’est la cata les mecs, trouvez-nous vite un truc qui fasse le buzz ! »


C’est ainsi que nous nous retrouvons avec mon associé, un soir ensoleillé à la terrasse du café l’Imprimerie où nous avions l’habitude de débriefer la journée autour d’une bière, à réfléchir comment sauver le soldat Mickey.


 Je ne sais plus exactement comment l’idée est née, mais comme souvent, c’était probablement en déconnant. Nous nous moquions gentiment des mascottes de Mickey, Minnie, Donald ou Dingo qui alpaguent les visiteurs et dont les grosses têtes font parfois un peu peur aux enfants. Nous nous disions qu’il faudrait les confronter à des stars, elles suffisent parfois à faire le buzz. Ou peut-être est-ce en nous gavant de cacahuètes que nous avons pensé à Jean-Claude Van Damme, l’acteur au franglais idiosyncrasique qui déclarait : « J'adore les cacahuètes. Tu bois une bière et tu en as marre du goût. Alors tu manges des cacahuètes. Les cacahuètes c'est doux et salé, fort et tendre, comme une femme. Manger des cacahuètes, it's a really strong feeling. Et après tu as de nouveau envie de boire de la bière. Les cacahuètes, c'est le mouvement perpétuel à la portée de l'homme. »En tout cas, c’est ce soir que nous avons imaginé faire un coup avec ce JCVD qui nous faisait bien marrer.


Le concept était de suivre la superstar karatékatesque toute une journée à Disneyland Paris, à la manière de « 24 heures », l’émission culte de Canal+* et, sans script particulier, la laisser déclamer ses aphorismes au gré de la visite. Lui qui affirmait être resté très jeune – « Quand j'étais jeune, j'étais très con. Je suis resté très jeune » - ne pourrait pas rester insensible aux incroyables décors et attractions lors d’un séjour complet au Parc et il nous suffirait alors de recueillir les meilleurs moments de ses réactions et déclamations, pour réaliser un montage vidéo efficace.


Pour maximiser ses émotions, nous prévoyions néanmoins de lui faire rencontrer par surprise des personnes qui avaient particulièrement comptées dans sa vie ; ici au stand de barbe à papa, son ancienne maîtresse d’école, à l’entrée du Grand Huit, sa mère Eliana Van Varenbergh, dans le manoir fantôme, Claude Goetz, son premier professeur de karaté, dans un costume de mascotte, un vieux camarade d’enfance, ou au détour d’une allée, un autre people…


Un ami producteur établissait alors pour nous le contact avec le natif de Berchem-Sainte-Agathe qui se reposait alors en Thaïlande, à Bangkok… L’idée originale le séduit beaucoup et nous obtenions rapidement un accord de principe, des dates potentielles pour 24 heures de tournage et un budget relativement raisonnable.


Le concept plut énormément aussi aux équipes marketing & communication de Disneyland Paris et, même si la personnalité clivante de la star n’en faisait pas l’égérie idéale pour le parc des familles (à l’époque Omar Sy, Beyoncé et Jay-Z, Lady Gaga, Zlatan au PSG ou encore Psy qui dépassait le milliard de vues, étaient au top), tout le monde s’accorda sur le principe disruptif et donc, sur le potentiel viral de la vidéo qui pourrait donner lieu à une série.

L'Oncle Picsou en parrain
L'Oncle Picsou n'aimait pas JCVD

Mais l’enjeu étant de taille, à la hauteur des objectifs de rétablissement attendus, notamment pour les 68 000 actionnaires individuels d’Euro Disney (le groupe qui exploite le parc Disneyland Paris), et le caractère « sensible » du programme obligeait sa présentation à Burbank en Californie, siège de la Walt Disney Company. Las, les américains n’approuvèrent pas la French touch décalée du projet autour de la star belge et le rejetèrent. Il se dit que c’est James A. Rasulo lui-même, Vice-Président et Directeur Financier de la multinationale, le numéro 2, qui mît son véto, tout simplement parce qu’il n’aimait pas personnellement Jean-Claude Van Damme.



Il aurait peut-être dû pourtant entendre la devise « il faut se recréer, pour recréer ! » de l’acteur wallon ; après une année 2013 catastrophique, les efforts de communication « mainstream » du groupe ne favorisaient pas la relance de la fréquentation et Disneyland Paris perdait encore 800 000 visiteurs, son chiffre d’affaires reculait de 6% avec des pertes nettes en hausse.


Et quelques mois plus tard, Volvo Trucks sortait « The Epic Split », ce grand écart légendaire de JCVD entre deux camions, magnifique réalisation de l’agence suédoise FORSMAN & BODENFORS, qui générait plus de 100 millions de vues en quelques semaines… (Pour rappel : https://youtu.be/M7FIvfx5J10)


L'image finale de la pub "The Epic Split" avec JCVD
L'image finale du spot "The Epic Split" avec JCVD

Je garde néanmoins un souvenir ému de l’euphorie dans laquelle nous avons vécu la période de gestation de ce projet et toujours, une certaine tendresse pour JCVD, l’excellent interprète du film éponyme de Mabrouk El Mechri (2008) et philosophe sous-estimé, voire raillé, alors qu’il exprima pourtant cette sentence transcendantale : « Il ne faut pas écouter les bruits du monde, mais le silence de l'âme. »

 

Les meilleurs concepts ne voient malheureusement presque jamais le jour et nous sommes donc partis sur une autre proposition, mais vous, pensez-vous que cette campagne "24h avec JCVD à Disneyland Paris" était aware ?

  

* Pour ceux qui ne sont pas nés dans l’ancien siècle, le magazine sociétal « 24 Heures » a été initié en 1989 par Hervé Chabalier, le patron de l’Agence de Presse CAPA, qui a produit 250 épisodes diffusés durant six ans par la chaîne cryptée. Le traitement décalé de l’info et ce format inédit, qui concentrait en une petite heure 24 heures de reportage réalisé avec de multiples caméras autour d’un sujet ou d’une personnalité, ont révolutionné le genre par leur approche très cinématographique. Mathieu Kassovitz avait d’ailleurs déclaré que La Haine avait été plus influencée par "24 Heures" que par n'importe quel film de Martin Scorsese.

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